FAURE LEADER DE L’ANTITERRORISME PRESIDE LE CONSEIL DE
SECURITE DE L’ONU
LE 13 MAI LE PRESIDENT FAURE GNASSINGBE
DONT LE PAYS PRESIDE ACTUELLEMENT LE CONSEIL DE SECURITE A PRONONCE UN
IMPORTANT DISCOURS A NEW-YORK SUR LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME.IL NOUS EST APPARU
IMPORTANT DE PUBLIER CE TEXTE
TEXTE DU DISCOURS DE FAURE GNASSINGBE
.Je voudrais, tout d’abord, souhaiter la bienvenue à tous et
particulièrement aux ministres qui participent au débat de ce jour. Votre
présence ici marque l’intérêt que vos pays respectifs accordent à la question
de la lutte contre le terrorisme dans le monde et, plus particulièrement, sur
le continent africain, mais aussi leur détermination à l’éradiquer.
J’aimerais, ensuite, exprimer au Secrétaire général de l’ONU mes
remerciements, non seulement pour son exposé sur la question sous examen, mais
également pour les actions qu’il mène, sous l’égide de notre Organisation, pour
promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité, partout où elles sont
menacées, en Afrique en particulier.
Mesdames et Messieurs,
Le terrorisme est un phénomène planétaire qui nécessite une gouvernance au
niveau mondial. Il frappe tous les jours des centaines d’innocents et endeuille
des populations entières et son spectre hante le continent africain.
La bande sahélo-saharienne, qui traverse l'Afrique d'Est en Ouest, est
confrontée à une multitude de défis d'ordre sécuritaire, à savoir la montée de
l'extrémisme religieux, de l'islamisme radical, du terrorisme, des trafics en
tous genres, notamment d’êtres humains, de drogue, d’armes et de la criminalité
organisée, etc.
Il s'agit bien d'une des menaces les plus préoccupantes de notre temps.
Présents notamment au Mali, au Nigéria, en Algérie, en Somalie, au Kenya,
en Ouganda et ailleurs, les groupes terroristes, retranchés dans le désert,
deviennent de plus en plus actifs. Ils plongent leurs racines dans les pays
africains dont le faible niveau de développement constitue un terreau fertile
pour leurs activités, avec comme toile de fond des conflits tribaux, des
frontières poreuses et des problèmes sociaux.
Le terrorisme est la conséquence d'interactions entre des facteurs
politiques, sécuritaires, économiques, sociaux et environnementaux. Il est lié
à la pauvreté, à un faible niveau de gouvernance, à la corruption, et au
sous-développement.
Il est particulièrement actif dans les pays fragiles, dans les pays
en situation de post-conflit où l'absence de règles de droit et les vides
administratifs permettent à ces groupes de se développer, en toute impunité, et
d'étendre leur influence sur une population démunie et sans perspective
d'avenir, comme c’est le cas d’Al Shabab et de l’Armée de Résistance du
Seigneur.
Il anéantit, dans les zones où il est présent, toute perspective de
programmes de développement économiques et sociaux. La situation est telle que
ces organisations criminelles s'imposent comme les "autorités"
régulatrices de zones sous leur contrôle et découragent les investissements étrangers,
provoquant l'isolement voire la faillite économique des Etats concernés.
Les flux économiques (commerce légal et trafics illégaux) et de personnes
(migrations de populations autochtones, circulation des touristes et du
personnel des ONG,...) sont entièrement à leur merci. Ainsi Al-Qaïda au Maghreb
Islamique (AQMI), régente le Sahel et en fait un eldorado des plus attractifs,
à travers la prise d’otages internationaux, le trafic de cigarettes, de
drogues, d’armes et le blanchiment d'argent.
Si on ne donne pas aux Gouvernements africains les moyens de mener une
politique anti-terroriste efficace et durable en privant ces groupes de leurs
« armées », il est fort à craindre de voir se consolider non
seulement un arc terroriste allant de la Mauritanie au Nigeria et se
prolongeant jusqu'à la Corne de l'Afrique, mais aussi de voir se développer une
zone de non droit, pour les trafiquants du monde entier.
Des liens se créent entre les narcotrafiquants présents dans le Sahel
et des groupes mafieux européens comme la Camora en Italie ou les
groupes latino-américains qui échangent expériences et
expertises.
Le terrorisme en Afrique dépasse largement le continent africain. Le flux
de criminalité organisée y est en hausse constante. Les ports d'Afrique occidentale
et le Sahel sont devenus des plaques tournantes pour les réseaux de trafic de
stupéfiants en mettant en relation les fournisseurs de cocaïne d'Amérique
latine et de haschisch venant de certains pays africains avec les
marchés d'Europe et du Proche - Orient. Le trafic d’immigrants varie
entre 65.000 et 120.000 personnes par an, le trafic d’armes légères est
évalué à 8 millions de pièces dont 100.000 kalachnikovs.
La drogue venant du Moyen-Orient et de l’Amérique latine transite par ce
ventre mou qu’est l’Afrique, aux frontières perméables avant d’atteindre
l’Europe. Le nombre de cocaïnomanes en Afrique de l’Ouest est estimé à 1,5
millions de consommateurs selon l’Organe international de contrôle des
stupéfiants (OICS).
Mesdames et Messieurs,
Il est urgent de trouver des remèdes pour endiguer cette nouvelle
vague de crimino-narco-terroristes se déployant au niveau mondial.
Comment venir à bout de ce fléau rampant ? Les trois voies suivantes
devront être privilégiées.
Premièrement:
Seule une réponse plurielle, qui n'est plus étroitement militaire,
permettrait de contenir ces groupes crimino-narco-terroristes.
La Stratégie antiterroriste mondiale de l'ONU adoptée en 2006 et revisitée
en 2012 va dans ce sens.
Il est indispensable de combiner les questions de sécurité avec celles du
développement et de la promotion des droits de l'homme.
Il s’avère aussi nécessaire de travailler en amont du terrorisme sur des
programmes de développement, d'éducation et de santé.
Ce n'est qu'en assurant le bien-être des citoyens, des populations, en
particulier les plus pauvres et les plus faibles, que ces dernières seront
moins réceptives aux idéologies extrémistes et de violence. Seule une promesse
de développement et d'épanouissement personnel peut rivaliser avec cette
alternative sordide et mortifère.
La menace n’est pas seulement militaire, islamiste et terroriste au Sahel.
Elle est aussi alimentaire : le nombre de personnes confrontées à
l’insécurité alimentaire est passé de fin 2011 à mi 2012 de 13 millions à plus
de 18 millions, dont 8 millions sont face à une crise alimentaire grave. Les
mouvements de populations aggravent inexorablement une situation déjà précaire.
La perte croissante de la population, la pénurie d'eau et les pertes de revenus
sont les ingrédients clés pour transformer cette crise humanitaire en une
véritable crise politique engendrant une recrudescence de la violence.
Au Mali par exemple, à la veille de la période de soudure, la situation
alimentaire continue à s'aggraver. Selon les Agences de l’ONU et les ONG
spécialisées, "un ménage sur cinq est confronté à une situation de
malnutrition sévère". Le cercle vicieux guette ces populations :
faciles à persuader, elles alimentent, à jet continu, ces groupes terroristes
en quête de sang neuf.
Deuxièmement :
Compte tenu des liens étroits existant entre le terrorisme et divers
groupes de trafiquants et de narcotrafiquants, il est incontournable d'adopter
une approche globale de lutte contre le phénomène. Ces problématiques sont les
deux faces d'une seule et même réalité.
Si le terrorisme vise à recourir à la violence contre des individus ou des
biens afin de contraindre ou /et d'intimider des Etats et des sociétés en vue
d'atteindre des objectifs politiques, comme c’est le cas en Ouganda notamment
avec l'Armée de résistance du Seigneur, il ne peut plus être traité
distinctement de la criminalité organisée qui a pour objectif final le gain
financier.
Ces groupes de criminels se transforment progressivement en groupes
hybrides comme le sont actuellement les Forces Armées révolutionnaires de
Colombie (FARC). Basé sur une idéologie politique ce groupe a, avec le
temps, muté en un groupe crimino-narco-terroriste.
De même, les revendications politiques et sociales d'Ansar Dine sont
facilitées par la disponibilité des ressources illicites de financement et par
la coopération avec d'autres mouvements comme Boko Haram et le Mouvement
pour l’Unité et le Jihad en Afrique de l'Ouest.
Selon la « US Drug Enforcement Agency (DEA) », 60% des groupes
terroristes sont liés aux trafics de narcotiques, et 80% des Talibans
poursuivent un intérêt financier et non la volonté d’imposer une doctrine
religieuse. Au Sahel, un tiers des Jihadistes se battent pour défendre leur
idéologie alors que les deux tiers restants poursuivent des intérêts sociaux ou
financiers.
Mesdames et Messieurs,
La réponse à ces nouvelles formes de criminalité doit être internationale.
La communauté internationale doit développer une stratégie mondiale, en
concertation avec les pays concernés, concrétisée par une pluralité
d'initiatives de nature politique, diplomatique, socio-économique et
sécuritaire, et s’inscrivant dans le long terme.
Il conviendra d’aider notamment à :
• une meilleure gouvernance, impliquant une justice effective, la volonté
de lancer des mandats d'arrêt contre les responsables d'exactions, une
meilleure redistribution des richesses.
• lutter contre le chômage des jeunes. Nous sommes tous conscients
que le chômage de longue durée des jeunes est une bombe à retardement. Nous
devons, sans doute, engager aussi un certain nombre de débats comme la question
de l'hyperconcentration des grandes villes, voire les questions démographiques.
• un meilleur contrôle des transferts des armes conventionnelles à
l'intérieur du continent. Depuis le printemps arabe, on assiste à une
prolifération d'armes légères et de petit calibre. La transparence de tout
contrat d'armement devrait être confirmée par une Autorité compétente
africaine ;
• un meilleur contrôle aux frontières. Suite au conflit au Mali, de nouvelles
routes, pour assurer le transit de la cocaïne, sont déjà en train de
s’ouvrir, selon le criminologue français Xavier Raufer, par certains pays de
l’Afrique Centrale, de la Région des grands Lacs ou par la Libye.
• une approche régionale pour pallier à tout risque de "migration
terroriste" notamment au Mali du fait de l'opération Serval. Il faut
savoir que la guerre au Mali n’est pas sans conséquences. Bamako,
Ouagadougou et Niamey ont déjà été cités par le Mujao comme cibles potentielles
d’attentat ;
• une plus grande implication du continent africain dans le débat
international sur le terrorisme et une gestion mondiale de ce fléau ;
• une plus étroite coordination entre les pays africains, comme entre
l'Afrique et ses partenaires internationaux ;
• une prise en charge, par les pays africains, et les organisations
régionales de la lutte contre le terrorisme sur leur territoire. A cet égard,
je tiens à féliciter le remarquable travail effectué par l'Union Africaine, qui
lors de sa réunion ministérielle du 17 mars 2013, a pris un certain nombre de
décisions allant dans la bonne direction, comme le renforcement de la sécurité
aux frontières, l'échange de renseignements, les capacités nationales à travers
l'échange d'expériences, la formation et l'équipement.
Troisièmement :
Pour mener à bien ces différentes actions, il est urgent que les pays
partenaires honorent leurs engagements en matière d’aide publique au
développement. La crise n’autorise pas les pays donateurs à respecter
leurs engagements d’atteindre 0,7% du PIB d’ici 2015.
Selon le dernier rapport de l'OCDE pour l'année 2012, l'aide publique au
développement (APD) a baissé de 4% en valeur réelle entre 2011 et 2012, et ce
après avoir baissé de 2% en 2011.
L'APD globale s'est élevée à 125,6 milliards de dollars en 2012, soit 0,29%
de la richesse nationale cumulée des différents bailleurs de fonds contre 0,31%
en 2011.
Pour les pays du Comité d'aide au développement (CAD), les chiffres de
l’APD sont passés de 133.716 millions de dollars en 2011 à 128.356 millions de
dollars en 2012. Il s'agit là de la plus forte baisse depuis 1997!
Cela ne me parait pas juste alors qu'on sait que les pays pauvres doivent
relever de nouveaux défis dont ils ne sont pas responsables et qui sont le
résultat visiblement de l'industrialisation forcenée des pays riches. Je pense
ici aux effets dévastateurs pour nos pays du changement climatique.
Je tiens à remercier le Danemark, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas
et la Suède pour avoir respecté, et parfois même, dépassé leurs engagements en
matière d’APD.
Mesdames et Messieurs,
Les chiffres sont suffisamment clairs et parlent d'eux-mêmes. Les défis
sont immenses, les besoins financiers impressionnants (….)
Comme le disait déjà le Président Bouteflika en 2002, "le Combat
contre la pauvreté est peut-être l'élément premier indispensable de la lutte
contre le terrorisme, car si la pauvreté est humainement et moralement
inacceptable, elle est un facteur destructeur des vertus humaines et des bases
de la solidarité sociale".
Outre le fait que je lance un appel pressant à tous les pays partenaires
pour qu'ils fassent un effort en matière d'APD, il nous faut trouver d'autres
sources de financements.
Je pense notamment à la taxe sur les transactions financières
internationales dont la finalité, à la base, n'était pas de pallier aux
déficiences des banques des pays partenaires mais de servir à dégager de
nouvelles ressources pour l'aide publique au développement.
Onze Etats membres de l'Union Européenne se sont accordés pour lancer
une taxe sur les transactions financières internationales communautaire dans le
cadre d'une coopération renforcée à partir de février 2013. Je ne peux
que me féliciter de cette mesure qui permettra de dégager des montants
importants et dont une partie, je l'espère, sera consacrée à la solidarité
internationale. Je tiens déjà à remercier le Président de la République
française qui s'est engagé ici même à l’ONU à en reverser 10% "pour le
développement, la lutte contre les fléaux sanitaires et les pandémies".
Mesdames et Messieurs
Seule une coopération sous-régionale et internationale permettra de
combattre les groupes de crimino-narco-traffiquants. Sans le soutien de la
communauté internationale, le continent africain ne saura pas faire face à ce
fléau qui gangrène les Etats, corrompt les gouvernements et transforme la
population en esclaves du XXIème siècle.
Seule une gouvernance au niveau mondial, un « Etat monde » comme
le dit le français Jacques Attali, développant des politiques efficaces,
permettrait de faire contrepoids à la criminalité grandissante à laquelle
tous les gouvernements doivent faire face.
Je vous remercie